PENDANT les six premiers mois de son enquête, Jeanne fut surveillée étroitement, suivie partout et sans cesse écoutée. Elle s’en rendit compte très vite. Ses suiveurs ne cherchaient pas à se dissimuler, mais si elle les abordait pour les interroger ils se dérobaient et disparaissaient. Quand elle franchissait une frontière, les agents du pays qu’elle quittait la passaient comme un relais à ceux du pays où elle arrivait. À la fin du sixième mois, ses suiveurs disparurent. Ses déplacements continuèrent d’être contrôlés et signalés, mais ses paroles ne furent plus épiées : ceux qui avaient donné l’ordre de l’écouter savaient que désormais elle n’avait plus la possibilité de prononcer la phrase-clef.
La tentative d’enlèvement de Londres n’eut lieu qu’un an plus tard. Ce fut donc pour une autre raison qu’on essaya, à ce moment-là, de s’emparer d’elle. Cette raison, Jeanne la connut en arrivant au bout de ses recherches. Et quand elle apprit à quoi elle avait résisté, créant ainsi l’irréparable et l’abominable, le mortel regret qui lui glaça le cœur ne pouvait avoir d’équivalent que chez les damnés plongés pour l’éternité dans le désespoir absolu de l’enfer.